La famille de la femme de 44 ans veut une enquête sur les soins qu’elle a reçus dans un hôpital de la Rive-Sud
Une mère de famille réfugiée d’origine camerounaise est morte quelques jours après avoir lancé un bouleversant appel à l’aide sur les réseaux sociaux dans une vidéo filmée en direct de l’hôpital.
Dans une vidéo qui circule abondamment sur les réseaux sociaux et qui suscite de vives réactions, on voit Mireille Ndjomouo lancer péniblement un appel à l’aide pour qu’on la «sorte» de l’Hôpital Charles-Le Moyne, à Longueuil, où elle affirme se sentir en danger.
La vidéo n’est pas sans rappeler celle de Joyce Echaquan, morte à l’hôpital de Joliette en septembre dernier après avoir lancé un cri de détresse dans une vidéo qui, publiée sur Facebook, a fait le tour du web.
«Je n’arrive plus à respirer. J’ai des boutons partout sur le corps. […] Ma bouche est paralysée. J’ai plein de douleurs», dit-elle, la bouche enflée et le souffle court, en se filmant. Elle affirme avoir été traitée avec de la pénicilline, et avoir pourtant averti le personnel qu’elle y était allergique.
«Ils sont en train de me tuer. Sauvez ma vie, j’ai des enfants et je ne veux pas mourir. […] Je vous en supplie», poursuit avec un filet de voix la femme de 44 ans arrivée au Québec il y a 4 ans.
Mireille Ndjomouo est finalement morte mardi. Sa sœur, qui est infirmière, se questionne sur les soins qu’elle a reçus.
«Le traitement n’était pas humain. Il y a eu un manque de respect et un manque de dignité, affirme Christine Ndjomouo, qui est infirmière clinicienne. Elle était très enflée et on ne faisait rien», a-t-elle constaté lorsqu’elle a pu visiter sa sœur dimanche.
La situation était telle que Mireille Ndjomouo n’avait plus aucune confiance envers le personnel soignant. «Personne ne l’écoutait», poursuit-elle.
Enquête demandée
La famille et la communauté camerounaise demandent que la lumière soit faite sur le séjour de Mireille Ndjomouo à l’Hôpital Charles-Le Moyne, où une manifestation est prévue samedi.
«Il y a beaucoup de questions et il faut aujourd’hui qu’on essaie d’y répondre, explique le président de la Jeune Chambre de commerce camerounaise du Canada, Pierre Marc Ngamaleu. Il faut non seulement une enquête interne, mais aussi que le Collège des médecins fasse une enquête», pense-t-il.
Ce dernier a été «bouleversé» en voyant la vidéo dimanche dernier. Il s’est présenté le jour même à l’hôpital, comme l’ont fait une cinquantaine d’autres personnes, plusieurs de la communauté camerounaise de Montréal, qui ont visionné la vidéo.
L’hôpital aurait également reçu, dimanche, des centaines d’appels de personnes alarmées par la situation, selon M. Ngamaleu.
Après des heures de négociation et de pression, l’hôpital aurait finalement accepté, dimanche, que Mme Ndjomouo soit transférée à l’Hôpital général juif de Montréal, où les médecins ont constaté qu’elle était mal en point, raconte sa sœur.
Mardi, les médecins auraient posé un diagnostic de lymphome, un cancer du système lymphatique, et elle serait morte une heure plus tard.
Impossible de savoir si Mme Ndjomouo aurait pu être sauvée par une intervention plus rapide. Néanmoins, sa sœur croit qu’elle a perdu du temps à l’Hôpital Charles-Le Moyne, où l’on n’aurait fait que des hypothèses sur son état, selon sa version des faits.
«Quand un décès survient aussi vite que ça, il faut l’expliquer, pense le président du Conseil de la protection des malades, Paul Brunet. Ça prend une enquête du coroner et une autopsie.»
Sa mort a créé une onde de choc dans la communauté. Joseph Kamta, la seule autre personne qui ait pu visiter Mme Ndjomouo avec sa sœur, est encore ébranlé. «Normalement, à l’hôpital, on se sent en sécurité», déplore-t-il, éclatant en sanglots.
Joyce Echaquan
Le veuf de Joyce Echaquan, morte sous des insultes racistes à l’hôpital de Joliette, a réagi à la mort de Mireille Ndjomouo dans un direct sur Facebook, mercredi soir.
«J’ai été troublé par ce que j’ai appris sur le décès de Mireille, cette dame qui, plus tôt cette semaine, tout comme Joyce, a lancé un cri de détresse de son lit d’hôpital», a déclaré Carol Dubé, évoquant la question du racisme systémique dans le système de santé.
Selon nos informations et les témoignages recueillis, rien n’indique pour le moment que la femme ait été victime de quelque forme de racisme.
«Le PDG a mandaté la direction de la qualité pour examiner la situation», a succinctement commenté la conseillère-cadre aux relations médias du CISSS de la Montérégie-Centre, Martine Lesage. Le CIUSSS du Centre-Ouest-de-l’Île-de-Montréal a refusé de commenter le dossier de Mme Ndjomouo.
Le Bureau du coroner a indiqué vendredi matin au Journal avoir ouvert une enquête «pour déterminer les causes et les circonstances qui ont mené au décès de Madame Mireille Ndjomouo».